Proposition de méthode

pour commencer son mémoire et le mener à bien

Ce document a été écrit après la fin de la rédaction de mon mémoire de master 2 et suite à des échanges avec des étudiant·es du cours de Mme Simon-Oikawa dans lequel j’intervenais pour parler du métier de traducteur. J’en ai fait huit versions. Celle-ci est la dernière.

À qui s’adresse ce document ?

  • Aux personnes pour qui le mémoire de M1 est une première tentative d’écriture longue.
  • Aux personnes qui paniquent facilement.

Préliminaire, le journal d’écriture

Un mémoire de M1, c’est une trentaine de pages. C’est-à-dire autour de 13 500 mots. Entre décembre et juin, cela fait 2000 mots par mois, 450 mots par semaine (une page), 65 mots par jour. Et il suffit donc d’écrire à ce rythme-là, de manière continue, pendant 7 mois, pour arriver au volume requis. Ce paragraphe fait 65 mots.

Bien sûr, on n’écrit pas de cette manière, mais penser en termes de travail quotidien aide à rendre la chose concrète et réalisable : le mémoire n’est plus un objet lointain (un peu avant l’été) qui se rapproche dangereusement (on n’a pas encore commencé à écrire) et que l’on va devoir boucler en paniquant tout en jonglant avec les examens…

Vous aurez plus de liberté certains jours que d’autres. Posons que 3 heures libres consécutives soient nécessaires pour écrire quelque chose de « bien ». Appelons ces jours des jours « disponibles ».

L’écriture est un processus organisé. Votre outil sera un journal de mémoire, sur un vrai cahier. Chaque jour, vous allez résumer ce que vous avez fait au sujet du mémoire. Autorisez-vous du repos pour souffler, mais jamais parce que vous n’avez pas d’inspiration.

L’objectif du journal est double.

Le premier est de vous entrainer à écrire chaque jour pour être efficace quand ces « jours disponibles » arriveront et ne pas paniquer si vous n’écrivez pas assez.

Le second est de vous entrainer à vous concentrer chaque jour pour dès aujourd’hui accumuler des connaissances sur votre sujet. Ce sont les poussières qui se transforment en montagne dans le proverbe japonais. Si vous êtes allergique à la poussière, ce petit volume d’écriture aura en plus pour effet de vous désensibiliser.

Ce journal n’est pas le brouillon du mémoire. C’est du temps pris pour se poser et réfléchir, à la main, à l’avancée du travail.

mise en pratique :

  • Comptez vos « jours disponibles » jusqu’à fin juin. Divisez 13 500 par ce nombre pour trouver combien de mots il vous faudra écrire ces jours-là.

    Par exemple, vous comptez 100 jours disponibles donc 135 mots par jour (45 mots par heure, 1 minute et 20 secondes par mot).

  • Évaluez le nombre de mots que vous écrivez normalement chaque jour (rendus universitaires, courriels, messages instantanés, etc.). À plus de 135, vous avez l’habitude d’écrire, c’est bien. Sous 135, vous allez monter en régime petit à petit.
  • Achetez un cahier et faites-en votre journal d’écriture.
  • Dès aujourd’hui, résumez chaque jour ce que vous avez fait pour votre mémoire. Visez 135 mots progressivement.

Pourquoi écrire ?

Ces propositions sont des pistes pour vous aider à trouver vos propres méthodes.

En quelques lignes :

  • l’objectif de l’écriture n’est pas le mémoire, mais le message qu’il contient
  • le message est : « je veux avoir une bonne note »
  • tout le monde veut avoir une bonne note
  • vos lectures, enquêtes, échanges vont constituer des informations
  • ces informations vont provoquer, alimenter, articuler des réflexions
  • vous avez noté systématiquement ces informations et ces réflexions
  • votre mémoire sera l’enchainement logique de ces informations et de ces réflexions

Les propositions s’articulent donc autour de 3 éléments :

  1. vous voulez avoir une bonne note
  2. vous devez donc organiser votre prise de note
  3. et vous devez pouvoir écrire des paragraphes liés entre eux

mise en pratique :

  • Sur la couverture de votre journal de mémoire, écrivez :
    • « Journal de mémoire »
    • « Je veux une bonne note »
    • « Je vise (nombre) mots par jour »
  • Sur la première page, inscrivez la date et écrivez ce que vous avez fait aujourd’hui pour faire avancer votre mémoire.
  • Faites la même chose demain. Il n’est pas nécessaire d’écrire des choses originales tous les jours. Vous pouvez recombiner vos pensées des jours précédents. Vous pouvez écrire des questions, sans réponses, des notes (cf. plus bas).

Vous voulez avoir une bonne note

Quand on pense au mémoire, on panique.

moi → le mémoire

Quand on pense à la note, on voit les choses de manière plus abstraite.

moi (→ le mémoire) → la note

La note permet de s’éloigner du mémoire. La note est loin (après la soutenance), le mémoire est proche, et il n’est pas fini. La note dirige votre écriture, elle tire l’ensemble et vous pouvez pousser le mémoire vers elle. Le mémoire n’est pas une contrainte, il est une étape vers votre note.

Viser une bonne note, c’est augmenter les chances d’avoir une bonne note. Si le 20 est invisible à l’horizon et son invisibilité très décourageante, le 19 et le 18 ne le sont pas.

mise en pratique

  • Sur la 2e page de couverture, écrivez la note que vous visez. Visez haut.
  • Écrivez la raison pour laquelle vous souhaitez avoir cette note. Si ce n’est pas encore clair, vous complèterez plus tard.
  • Écrivez ce que vous pensez être les éléments d’évaluation qui vous permettront d’obtenir cette note.

Quand vous paniquez, relisez ces lignes, allez vous promener et au retour, remettez-vous à écrire.

Votre journal est prêt. Vous allez y écrire tous les jours jusqu’à la date de rendu. Prenez-en soin.

Vous devez organiser votre prise de note

Dès qu’une idée vous vient à l’esprit, notez-la. La prise de note doit pouvoir être immédiate. Ne vous fiez jamais à votre mémoire. Notez tout.

Inscrivez le contexte de chaque note (quand ? où ? une lecture ? un poster dans la rue ? une discussion ? avec qui ?). Vous exploiterez ces notes lors de la rédaction.

Vous avez au moins 3 dispositifs possibles pour prendre des notes. N’en négligez aucun.

  • un carnet, dont la taille vous offre confort d’écriture et facilité de transport
  • votre téléphone portable pour la prise de note au clavier, ou en mémo vocal, ou en photo
  • votre ordinateur, avec une application de prise de notes, et Zotero pour archiver vos lectures

Le carnet doit être à portée de main : dans votre sac, sur la table de chevet quand vous allez vous coucher, etc. Préférez-le à la saisie au clavier : écrire à la main est plus agréable et a plus d’effet pour libérer l’esprit.

Vos lectures doivent être résumées en toutes petites fiches qui contiennent les informations suivantes :

  • problématique, hypothèses, principaux résultats
  • lien avec votre travail (utile ? pourquoi ?)

Chaque jour, consultez toutes vos notes électroniques et reportez-les dans votre carnet de notes.

Intégrez le contenu des notes anciennes au contenu des nouvelles notes. Des fils conducteurs se traceront petit à petit. Des hypothèses, des questions auxquelles vous aurez envie de trouver une réponse, des voies sans issue apparaitront aussi.

Votre carnet de notes est la mémoire de vos interactions avec le monde physique et des réflexions que vous avez au moment où elles fleurissent.

mise en pratique

  • testez les applications sur votre téléphone et sur votre ordinateur
  • créez vos premières notes électroniques
  • marquez la date sur votre carnet et créez vos premières notes manuscrites
  • en fin de journée, reportez les notes électroniques sur votre carnet
  • le lendemain, pareil : prise de note dans la journée, report des notes électroniques sur le carnet, révision des notes précédentes

Vous devez pouvoir écrire des paragraphes liés entre eux

Votre carnet accumule les informations et les réflexions, mais ne constitue pas un ensemble cohérent.

Votre journal organise tout ceci, car c’est là où vous agencez ces éléments pour qu’ils produisent du sens.

Écrivez votre journal en respectant ces règles générales pour faciliter sa lecture :

  • un paragraphe est une division du texte qui présente une certaine unité de sens
  • un groupe de paragraphes qui se suivent expriment des idées qui s’enchainent
  • deux groupes de paragraphes sont liés par un paragraphe de transition
  • tout paragraphe doit être écrit sans fautes
    • d’orthographe
    • grammaticale
    • syntaxique
    • typographique

mise en pratique

Principe : une idée, quelques phrases pour l’exprimer = un paragraphe

Écrivez vos paragraphes

  • en ayant plaisir à écrire,
  • en ayant plaisir à lire ce que vous avez écrit,
  • en vous adressant à quelqu’un qui ne connait pas votre sujet.
  • Si une phrase fait plus de 2 lignes, coupez-la en deux.
  • Corrigez le texte après l’écriture,
  • lisez-le à voix haute,
  • corrigez-le encore.

Conclusion

Fin février, tout n’est pas encore là, mais vous avez suffisamment de matériel. Vous avez aussi l’habitude de vous concentrer et d’écrire.

La rédaction du mémoire va prendre trois mois et sa finalisation (bibliographie, annexes, mise en page, relectures, corrections) un. Disons donc 44 jours disponibles, avec autour de 300 mots par jour.

Vos notes et votre journal continuent à alimenter votre travail jusqu’au dernier moment.

Faites une liste de tous les points que vous voulez aborder. Ordonnez et regroupez-les. Ceci n’est pas votre plan final, mais sert d’orientation à votre écriture.

Par exemple, 60 points pour 30 pages correspondent à 225 mots par point. Ce volume est une cible. Chaque point doit avoir un titre. Les titres sont des aides à l’écriture, ils ne resteront pas forcément.

Écrivez le contenu des points un par un, mais l’ordre d’écriture n’a pas d’importance. Les points qui dépassent la cible de beaucoup deviendront des sous-parties, ceux qui restent en dessous deviendront des paragraphes parmi d’autres. Rééquilibrez ainsi la structure de l’ensemble pour aboutir au plan final.

La rédaction s’effectue sur votre ordinateur, sans fautes : grammaire, orthographe, logique, références bibliographiques.

mise en pratique

  • ouvrez votre journal par la fin
  • écrivez la liste des points que vous désirez aborder
  • ordonnez-les de manière logique
  • regroupez-les en 3-4 parties
  • donnez un titre à chaque point
  • inscrivez le nombre de mots cibles à côté du titre
  • écrivez chaque jour au moins un point, dans l’ordre qui vous convient

Faites la mise en page en dernier. Imprimez votre mémoire et relisez-le attentivement, à voix haute. Mettez les corrections dans les marges, reportez-les sur l’ordinateur après relecture. Trois impressions/relectures sont suffisantes si vous travaillez avec attention.

Note pour le M2 et pour la suite

Votre mémoire de M2 commence sur la base de votre mémoire de M1, mais votre recherche commence début juillet, pas en décembre. Vous avez donc 5 mois de jours disponibles en plus.

La thèse est une terra incognita pour moi. Si tout se passe bien, je commence l’an prochain, mais je panique déjà. Quand j’aurai écrit ces lignes, j’irai me promener. Je trouverai bien une papeterie sur mon chemin pour acheter un cahier. Une thèse c’est 3 ans de travail, sur la base du M2, pour un volume de 300 pages. Il faut « juste » faire les soustractions et les multiplications qui s’imposent et ne jamais oublier le plaisir qu’on a eu à créer son mémoire de M2 et à le soutenir.

Et voilà.

(Huitième version finalisée le 21 novembre 2023, publiée le 8 juin 2025)